La révolte des vignerons champenois en 1911

 

En Champagne, le début du XXe siècle est catastrophique : depuis 1894, le phylloxera détruit le vignoble (6500 Ha touchés sur les 30 000 plantés). Des conditions météorologiques exécrables achèvent de désespérer les petits producteurs, happés par la misère au moment même où les ventes de champagne explosent, et que les négociants prospérent de façon indécente !   

Il n’y a plus suffisamment de raisins en Champagne. Au lieu d’accepter d’augmenter les prix, certaines Maisons choisissent de s’approvisionner hors de la zone d’appellation. Fin 1910, ces vins "étrangers" arrivent par wagons entiers en gare d'Épernay, d'Ay, de Damery, des vins du Midi, de la Moselle, des Charentes, d'Algérie même et… de l'Aube, qui ne fait pas partie à ce moment-là de la Champagne délimitée. Une fraude qui n'était pas nouvelle mais qui était en passe cette fois d'être massive. 


Le 16 octobre 1910, face à la colère des ses adhérents, la Fédération des Syndicats Viticoles de la Champagne organise une manifestation de protestation à Epernay et près de 10 000 vignerons hurlent « A bas la fraude ! A bas la bibine ! Gare aux fraudeurs ! »


A partir de novembre 1910, on décide dans plusieurs communes, la grève de l’impôt. Les vignerons s’en prennent aux transports de vins étrangers, percent quelques futs en gare ou dans les celliers, cassent quelques vitres, l’énervement grandit et, à chaque fois, on bat le rappel des vignerons, avec tocsin, sonnerie de clairon, tirs de fusées anti-grêle…


Le 17 janvier 1911, à Damery, le chargement d’un camion est en totalité jeté dans la Marne, et les caves et cellier du négociant fraudeur sont mis à sac, par 2 000 à 3 000 vignerons en colère. Un incident analogue survient le lendemain à Hautvillers. Sur ordre du préfet de la Marne, le 31ème régiment de Dragons d’Epernay renforcé de quatre autres régiments interdit les accès d’Epernay, monte la garde à la gare et chez les négociants et se répartit entre Damery, Venteuil, Cumières, Hautvillers et Aÿ.


Le 20 janvier, le préfet harangue 2 000 vignerons à Venteuil et leur demande de cesser leurs déprédations, s'engageant en échange à obtenir l'arrêt des transports de vins étrangers.   

 

Le 10 février, le gouvernement français adopte enfin des mesures, qui obligent tous produit viticole portant le mot « Champagne » à être issu de raisins et de vins provenant exclusivement de la zone d’appellation. Cette zone n’incluait pas les vignobles de l’Aube. Les vignerons aubois, mécontents, vont alors tout faire pour en empêcher l’application, aidés par leur parlementaires.


Le 15 mars, Ernest Monis, tout nouveau Président du Conseil, déclare : «La délimitation viticole de la Marne est faite et bien faite.»   

Le lendemain commence une vague de démission de maires, conseillers municipaux et généraux partout dans l'Aube. Plus de 60 % des conseils municipaux aubois démissionnent durant le mois de mai !!!   


Le 9 avril à Troyes, sous l'impulsion de Gaston Cheq, 20 000 vignerons aubois manifestent en arborant des cercles en carton portant le slogan «Champenois nous fûmes, Champenois nous sommes, Champenois nous resterons, Et ce sera comme ça !».   

 


Le 11 avril, en réaction à cette grande manifestation, le Sénat dit s'opposer aux délimitations qui « provoquent des divisions entre Français ».   

  

 


La nuit même, y voyant une volonté de supprimer la délimitation de l'appellation Champagne, les vignerons marnais provoquent à Ay, Épernay et Damery ce que Etienne Clémentel ,le vice-président de la Chambre, appelle une «Saint-Barthélémy des vins».   


Le lendemain à Ay, on compte 6 000 manifestants mettant le feu et pillant plusieurs maisons de Champagne pour une ville de 7 000 habitants.   

 

L'armée intervient à nouveau dans la Marne. Pour éviter de nouvelles manifestations dans l'Aube, elle est également envoyée dans ce département. 

 

Dans les semaines qui suivirent le commandement militaire réussira à mater la révolte avec l’aide de 40 000 hommes de troupe… jusqu’aux vendanges. 


Entre temps, le 7 juin 1911, le département de l’Aube bénéficie, par décret, d’une appellation particulière « Basse Champagne ou Champagne 2ème zone » qui ne les satisfera pas au mieux se considérant traité en quelque sorte de parents pauvres qu’on tient à l’écart.   

 

Ce décret crée des frustrations des deux côtés de la Champagne. Un projet de loi est déposé à la fin du mois, proposant de condamner la « délimitation judiciaire » sans l'abolir. Après trois ans de navette parlementaire, la situation reste en suspens durant la guerre de 14 - 18. Les négociations reprennent en 1919 pour aboutir le 22 juillet 1927. Après de nombreuses années de batailles judiciaires, la majorité du vignoble aubois, dont la côte des Bars, revient dans la délimitation de la Champagne viticole

 


De nos jours, l'appellation s'étale sur cinq départements 

- l'Aube,

- la Marne,

- l'Aisne,

- la Haute-Marne

- la Seine-et-Marne


Sources : Wikipédia

Retour

 

Attention, l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération